7èmes rencontres PhilMathMed – Philosophie, Histoire et Didactique des Mathématiques en Méditerranée
16-17 Mai 2024 à l’IMAG, Université de Montpellier
Bâtiment 9, 1er étage – salle de séminaire 109
Pas de frais d’inscription. Inscription obligatoire par mail à thomas.hausberger@umontpellier.fr avant le mercredi 24 avril
Présentation de l’événement
Le réseau international (France-Italie) PhilMathMED (https://philmath.hypotheses.org/philmathmed) réunit des chercheurs des Universités de Gênes, Marseille, Montpellier, Nice, Pavie, Turin et Toulouse, autour de la didactique, l’histoire et la philosophie des mathématiques. Il a été créé en 2017 en tant qu’émanation du GDR PhilMath (Philosophie des Mathématiques, https://philmath.hypotheses.org/). PhilMathMED est soutenu par le GDR PhilMath et les équipes de recherche constituantes du réseau : CGGG – Centre Gilles-Gaston Granger, UMR 7304 ; IMAG – Institut Montpelliérain Alexander Grothendieck, UMR 5149 ; IMT – Institut de Mathématiques de Toulouse, UMR 5219 ; LJAD – Laboratoire J.-A. Dieudonné, UMR 7351 ; Università degli studi di Genova; IUSS Pavia ; Università degli Studi di Torino.
Les 7èmes rencontres se focaliseront sur le thème « écrire, apprendre et enseigner les mathématiques », tissant ainsi des liens entre la pratique savante de production et diffusion des connaissances (dans les articles de revues scientifiques, livres et manuels) qu’interrogent les historiens et les philosophes de la pratique mathématique et les phénomènes d’enseignement-apprentissage qu’étudient les didacticiens. Tout texte mathématique engage une forme et une matière, dont la mise en regard exprime un style tout en étant porteur d’enjeux de connaissances. Il s’offre à l’interprétation d’un lecteur ou devient support d’enseignement, multipliant les réseaux de significations et les modalités possibles d’un usage didactique, dont l’efficacité constitue un enjeu qui se superpose à celui de la connaissance elle-même. Nous souhaitons par ce thème poursuivre le dialogue entre historiens, philosophes et didacticiens des sciences pour éclairer, en ce qui concerne les mathématiques comme discipline, le lien profond qui unit l’enseignement et la recherche dans la pratique de l’enseignant-chercheur, au coeur des missions de l’université.
Le programme comprend 7 conférences invitées et une table ronde, sur 2 jours.
Comité scientifique : Claudio Bartocci (DIMA, Università degli studi di Genova) ; Francesca Biagioli (Università degli Studi di Torino) ; Paola Cantu (CGGG, Aix-Marseille Université) ; Thomas Hausberger (IMAG, Université de Montpellier) ; Sébastien Maronne (IMT, Université de Toulouse) ; Frédéric Patras (LJAD, Université Côte d’Azur) ; Andrea Sereni (IUSS Pavia).
En l’absence de financement institutionnel (Ecole Doctorale, Laboratoire), une demande de financement pour le remboursement des frais de mission des étudiants peut-être effectuée en envoyant un courriel à paola.cantu@univ-amu.fr avant le 14 avril 2024.
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Programme du PhilMathMed 2024
Jeudi 16 mai 2024
9h30 – 10h45 Matteo Vagelli (Università Ca’ Foscari Venezia), Styles d’écriture et de pensée: le cas du raisonnement mathématique
11h – 12h15 Gabriella Crocco (Centre Gilles Gaston Granger, Aix-Marseille Université), L’histoire et la profondeur des résultats mathématiques : G.G. Granger et Alain Michel
Déjeuner au restaurant des personnels
14h – 15h45 Christophe Eckes (Archives Henri-Poincaré, Université de Lorraine), Du séminaire Julia à Bourbaki : les cours de Jean Delsarte sur les groupes et les algèbres de Lie (1938-1950)
(séance commune avec le séminaire HiPHiS)
Pause café
16h15-17h45 table ronde “Ecrits mathématiques et enseignement : les voix des mathématiciens”. Intervenants : Francesca Biagioli (Università degli Studi di Torino) Entre épistémologie et didactique des mathématiques: le point de vue de Felix Klein ; Sébastien Maronne (IMT, Université de Toulouse) L’art d’écrire les mathématiques : méthode axiomatique et formalisation ; Gaëtan Planchon (IMAG, Université de Montpellier) Transposition didactique et débats entre mathématiciens sur les questions d’enseignement : le cas de l’intégrale à l’université
17h45 – 18h Animation du réseau PhilMathMed
20h Dîner de gala à la Brasserie du Théâtre
Vendredi 17 mai 2024
9h30 – 10h45 Claudio Bartocci (Università di Genova), Croisements entre littérature et mathématiques : de Riemann à Queneau
11h – 12h15 Frédéric Patras (Laboratoire J.A.Dieudonné, Université Côte d’Azur) et Thomas Hausberger (Institut Montpelliérain Alexander Grothendieck, Université de Montpellier), Communiquer la recherche contemporaine : l’exemple des exposés P. Cartier au séminaire Bourbaki.
Déjeuner au restaurant des personnels
13h45 – 15h00 Nicolas Grenier-Boley (Laboratoire de Didactique André Revuz, Université de Rouen Normandie), De la mise en mots des mathématiques par les mathématiciens à leur enseignement en classe. Un point de vue didactique
15h15 – 16h30 Julien Bernard, L’écriture mathématique : condition du progrès et vecteur de la crise des sciences
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Résumés
Matteo Vagelli (Ca’ Foscari Université de Venise). Styles d’écriture et de pensée: le cas du raisonnement mathématique
Dans ma communication, je tenterai de mieux saisir la spécificité des mathématiques face à la théorie des styles de raisonnement scientifiques proposée par Ian Hacking. En m’appuyant principalement sur le troisième chapitre (« Where do mathematical objects come from ? ») de son livre Scientific Reason (2008), j’articulerai des éléments de réponse aux questions suivantes : Quels sont les caractères du « raisonnement » mathématique ? Les mathématiques se caractérisent-elles par un ou plusieurs « styles de raisonnement » ? Quel est le statut ontologique des objets mathématiques ? Comment les styles de raisonnement concernant les mathématiques assurent-ils leur stabilité ou progressivité dans le temps ?
Gabriella Crocco (Centre Gilles Gaston Granger, Aix-Marseille Université). L’histoire et la profondeur des résultats mathématiques : G.G. Granger et Alain Michel
En commentant conjointement deux articles sur la notion de profondeur en mathématique, l’un de Gilles Gaston Granger « What is a profound result in mathématics? » l’autre d’Alain Michel, « Mathématiques et ‘profondeur’ : l’exemple de la théorie des nombres », notre intention est d’offrir un aperçu concret d’une partie du débat qui a animé la tradition de l’épistémologie française héritière des œuvres de Cavaillès sur le rôle de la notion de style dans l’analyse des textes mathématiques et sur la conception de l’histoire qu’elle implique.
Christophe Eckes (Archives Henri-Poincaré, Université de Lorraine) Du séminaire Julia à Bourbaki : les cours de Jean Delsarte sur les groupes et les algèbres de Lie (1938-1950)
Les archives de Jean Delsarte (1903-1968), membre fondateur de Bourbaki, sont actuellement conservées à la bibliothèque de l’Institut Élie Cartan et elles ont jusque-là été exploitées tantôt sous l’angle de sa participation aux activités de ce collectif de mathématiciens, tantôt en fonction de sa carrière à la faculté des sciences de Nancy. Le fonds Delsarte comporte cependant toute une série de notes de cours quasiment inexploitées jusque-là, trois d’entre elles portant sur les groupes et les algèbres de Lie sur une période allant de 1938 au début des années 1950.
En nous appuyant sur ces notes de cours, nous montrerons tout d’abord que les exposés dédiés à l’œuvre d’Élie Cartan qui ont été présentés dans le cadre du séminaire Julia en 1936-1937 constituent une source d’inspiration évidente pour Delsarte dans ses enseignements préparant au certificat d’analyse supérieure, lesquels portent spécifiquement sur les groupes et les algèbres de Lie à la fin des années 1930. Nous établirons ensuite que cette thématique est à l’ordre du jour du séminaire de mathématiques avancées que Delsarte met en place à Nancy à partir de 1947 et qui conduira à la création de l’Institut Élie Cartan, officialisée en 1953. Enfin, nous verrons dans quelle mesure le projet d’un livre sur les groupes et les algèbres de Lie, initié par les membres de Bourbaki après la Seconde Guerre mondiale, constitue une source d’inspiration majeure pour Delsarte, comme un atteste un troisième et dernier cours de niveau avancé qu’il dédie aux groupes et aux algèbres de Lie au début des années 1950.
Claudio Bartocci (Università di Genova) Croisements entre littérature et mathématiques : de Riemann à Queneau.
Les nouvelles idées sur les géométries non euclidiennes et sur les espaces à plusieurs dimensions font fureur dans le cercles littéraires de l’Angleterre victorienne ; Paul Valéry se propose de « greffer des mathématiques sur de la poésie » ; selon Robert Musil, les mathématiques sont un « Tapfterkeitsluxus der reinen Ratio » ; un des derniers ouvrages de Raymond Queneau a pour titre « Fondements de la littérature d’après David Hilbert ». Quelle est la fascination souterraine que les mathématiques exercent sur la littérature ? Comment se fait-il que des idées si abstraites et si abstruses percolent dans l’imagination des écrivains ?
Frédéric Patras (Laboratoire J.A.Dieudonné, Université Côte d’Azur) et Thomas Hausberger (Institut Montpelliérain Alexander Grothendieck, Université de Montpellier) Communiquer la recherche contemporaine : l’exemple des exposés P. Cartier au séminaire Bourbaki
Le séminaire Bourbaki est de nos jours la principale activité du groupe Bourbaki. Dès sa mise en place au cours de l’année 1945-46, il se distingue par l’intention didactique de communiquer des mathématiques vivantes à un public de mathématiciens non spécialistes du domaine exposé, dont souvent l’orateur lui-même. En prenant pour exemple un exposé donné en 2001 par Pierre Cartier, membre de Bourbaki, nous questionnerons la manière dont les mathématiciens communiquent leurs idées dans un tel contexte, partant de connaissances partagées pour ouvrir à la recherche contemporaines et ses frontières. Nous utiliserons pour cela des outils de phénoménologie (notamment la notion d’horizon, d’après Husserl) et de didactique (la théorie des situations didactiques de Brousseau), coordonnant les deux points de vue.
Nicolas Grenier-Boley (Laboratoire de Didactique André Revuz, Université de Rouen Normandie) De la mise en mots des mathématiques par les mathématiciens à leur enseignement en classe. Un point de vue didactique
Dans cet exposé, nous souhaitons initier une réflexion sur la manière dont l’étude des productions des mathématiciens peut influencer l’enseignement et l’apprentissage des mathématiques en classe. Nous plaiderons en particulier pour le développement d’une lecture outillée de ces productions, ce qui nous permettra d’expliciter certains éléments qui nous semblent cruciaux. Nous montrerons sur des exemples comment ces éléments peuvent permettre d’une part d’élaborer des scénarios d’enseignement riches grâce à la mise en évidence d’aspects du savoir en lien avec leur conceptualisation. D’autre part, nous montrerons que certains de ces éléments peuvent être partagés avec les futurs enseignants au sein de cours dédiés, où ils apparaissent comme autant de leviers possibles leur permettant de créer pour leurs élèves des activités porteuses de sens. Nous accorderons une importance particulière aux ajouts ou compléments que les chercheurs en didactique des mathématiques doivent à notre sens opérationnaliser pour concevoir ces scénarios ou cours, de sorte à prendre au mieux en compte la transposition du savoir et la diversité des élèves.
Julien Bernard (Centre Gilles Gaston Granger, Aix-Marseille Université) L’écriture mathématique : condition du progrès et vecteur de la crise des sciences
Les philosophes qui s’intéressent aux fondements de la géométrie se préoccupent avant tout de la question de l’axiomatique. En contraste avec cette tradition, dans L’origine de la géométrie et dans la Crise des sciences européennes, Husserl propose une réflexion sur l’origine de la géométrie qui met au cœur du débat, d’une part, les fondements pré-axiomatiques ‑ou comme il dit : « archi-originaires »‑ et, d’autre part, une couche d’actes intentionnels post-axiomatiques qu’il nomme « consignation » <Dokumentierung>. Il s’agit des actes par lesquels la communauté mathématicienne inscrit la pensée mathématique dans une écriture, rendant possible la transmission d’une tradition, et donc le déploiement historique de la discipline.
Nous proposons une rétrospective sur ces textes de la dernière pensée de Husserl, afin de trouver un terrain de discussion qui amène à articuler ensemble : histoire des mathématiques, éthique et didactique des mathématiques, et épistémologie phénoménologique.
Si la question husserlienne des origines de la géométrie prend un chemin si singulier, c’est parce que sa préoccupation n’est pas ici celle d’un pur logicien. En effet, ce n’est pas une question de fondement théorique de la science qui l’anime alors, mais plutôt une question qui tient à la place des sciences dans la culture et à leur mode d’enseignement. Une question qui tient donc à la fois de l’éthique et de la didactique de la science (et tout particulièrement des mathématiques). En effet, pour Husserl, l’écriture et les actes intentionnels qui la structurent, est tout à la fois une condition de possibilité de l’avancée de la science, dans sa tâche infinie, mais aussi possiblement le vecteur de sa déroute. En effet, la sédimentation du sens de la pratique mathématique dans une tradition écrite peut dériver en une technologisation stérile du savoir, qui le vide de son sens.